La situation du Mali évolue en dents de scie. L’Assemblée Nationale procèdera ce jeudi 12 juin à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur les évènements des 17 et 21 mai survenus à Kidal. On annonce aussi que le Premier ministre, Moussa Mara ce même jour devant les élus de la nation pour « des questions d’actualité ». Tout cela dans un contexte d’extrême fragilité institutionnel. Dans les coulisses, on n’hésite pas à évoquer l’hypothèse d’un gouvernement d’union nationale.

La crispation du climat politique est essentiellement due aux comportements des plus hautes autorités notamment le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, qui contrairement à ses promesses de campagne qui n’a pas su tenir un discours rassembleur. Sa volonté affichée de répondre coup sur coup aux attaques a largement contribué à polluer le climat politique. Au-delà de l’opposition, la frustration a gagné la majorité présidentielle au sein de laquelle des responsables des partis politiques haussaient le ton pour protester contre le traitement dont ils bénéficient. Espérons que les rencontres du 4 juin dernier entre le Président de la République et la classe politique (majorité et opposition) permettront de décrisper le climat politique.

La nouvelle grille de lecture de la situation nous oblige à l’état actuel des choses de mettre à coté notre orgueil et s’unir pour faire face à l’essentiel. Cette union sacrée passe-t-elle nécessairement par la mise en place d’un gouvernement d’union nationale ? Pas sûr à notre avis ! Il est bien possible de réaliser une union sacrée sans recourir un gouvernement de ce genre. De l’avènement de la démocratie à nos jours, plusieurs modes de gestion du pouvoir ont été expérimentées. Sous Alpha Oumar Konaré, on a vu la gestion concertée du pouvoir. Avec Amadou Toumani Touré, c’était le fameux consensus. Ces arrangements politiciens avec des responsables plutôt soucieux de leurs propres survies ont conduit le pays au désastre actuel. Et on se pose même la question de savoir si l’élite malienne est encore digne de confiance.

Une rentrée de l’opposition dans une équipe gouvernementale sera difficile à comprendre par l’opinion qui a déjà une mauvaise perception des responsables politiques considérés à tort ou raison comme ceux qui portent les germes du désastre actuel. Il s’agit d’une manœuvre qui va davantage discréditer les leaders de l’opposition, présentés comme des gens qui font du bruit pour chercher de postes, donc avoir leur part de gâteau. La mise en place d’un gouvernement d’union nationale est un vrai piège pour l’opposition qui si elle accepte le jeu fermera désormais les yeux sur toutes les erreurs de gouvernance. Cela conduira inéluctablement le pays à une situation encore plus dramatique avec l’émergence probable des forces occultes qui profitera de ce vide. On se trompe soi-même. Et politiquement, les leaders de l’opposition n’ont aucun intérêt à participer à une telle équipe. Il faut tirer les leçons de notre passé récent. Et agir en conséquence.

Il revient maintenant au chef de l’Etat d’avoir le courage et l’humilité de comprendre que les critiques constituent le ciment de la démocratie et que tous ceux qui contestent sa façon de gouverner les affaires publiques ne sont pas ses ennemis ou encore des apatrides. Et pour faire face aux défis actuels, le président Ibrahim doit nécessairement écouter les autres.

Il faut qu’on s’assume. La majorité doit gouverner. L’opposition doit s’opposer.

SOURCE / REDACTION