Feuilleton cocasse des 46 mercenaires ivoiriens, commencé le 10 juillet 2022, a connu son épilogue avec la libération et le transfert dans leur pays, la Côte d’Ivoire, des prisonniers graciés suite à une condamnation définitive par la Cour d’Assises spéciale de Bamako le 30 décembre dernier. Avons-nous assisté à 6 mois de tension diplomatique et judiciaire pour rien ? Pourquoi le président Assimi qui s’était abstenu d’intervenir dans l’affaire, sous prétexte de séparation des pouvoirs, décide finalement de libérer les soldats ivoiriens qu’une partie de son opinion publique réclamait ?
Il faut d’abord dissiper une équivoque entre président de la République (élu) et président de la Transition (non élu) dans l’exercice du droit de grâce, le colonel Assimi Goïta, président de la Transition et CHEF DE L’ÉTAT, pouvait et devait exercer son droit de grâce.
Prérogative régalienne, le droit de grâce est attaché non pas à la fonction de président de la République mais à la souveraineté qui est d’essence étatique. Sa finalité, humanitaire et sociale, justifie qu’il soit exercé par le Chef de l’État qui incarne la nation détentrice de la souveraineté.
En effet, le droit de grâce relève du pouvoir de pardonner, corollaire du droit de punir. C’est pourquoi il est apparu en même temps que le pouvoir politique, chargé de réglementer la vie en société et de punir les contrevenants dans l’intérêt public. Au Mali, c’est l’article 45 de la Constitution du 25 février 1992 qui consacre le droit de grâce : «le Président de la République est le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il exerce le droit de grâce. Il propose les lois d’amnistie »
Ainsi, sous la Ve République française qui reste hélas notre référence, le chef de l’État exerce le droit de grâce en tant que représentant de l’État, garant de son unité nationale et de sa continuité de l’État, du respect de la Constitution et des droits fondamentaux. La souveraineté étatique ayant pour source la Nation, le droit de grâce est considéré par la jurisprudence constitutionnelle comme une prérogative attachée « aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ». Mais la souveraineté appartient aussi au peuple (article 26 de la Constitution), au nom duquel la justice est rendue. C’est donc également au nom du peuple et de ses intérêts que le chef de l’État, autorité investie de la puissance publique par le suffrage universel direct, exerce le droit de gracier un condamné. Il ne s’agit donc plus de l’exercice d’un droit qui lui serait propre, ce qui explique d’ailleurs que le chef de l’État ne puisse plus déléguer son exercice (article 51 de la Constitution).
Le droit de grâce est l’une des institutions de clémence relevant du pouvoir de pardonner. Il trouve sa source dans les vertus morales que sont la générosité et la bienveillance, mais poursuit également un but d’intérêt public. La société peut en effet avoir intérêt, compte tenu des circonstances, à la remise de la peine d’un ou plusieurs individus légalement condamnés. Dans ce cas, il revient au chef de l’État de décider de s’abstenir de faire exécuter la loi pénale et le jugement, sans pour autant en remettre en cause ni l’existence ni le bien-fondé.
C’est en tout cas ce qui ressort du communiqué N°43 en date du 7 janvier 2023 du gouvernement de la Transition qui explique que «le Colonel Assimi GOÏTA, pour ce geste (…) démontre une fois de plus son attachement à la paix, au dialogue, au panafricanisme, à la préservation des relations fraternelles et séculaires avec les pays de la région, en particulier celles entre le Mali et la Côte d’Ivoire ». Tous ceux-ci ont un intérêt public avéré.
Comme on le voit, le président Assimi Goïta n’est pas sorti de son rôle et s’est montré respectueux des fondements de la République et des intérêts de nation malienne.
PAR CHRISTELLE KONE
Source : Info Matin