Dans un entretien au « Figaro », le président algérien a appelé de ses vœux une « nouvelle ère » avec la France. Il s’est également exprimé sur la situation au Mali.
Le président Abdelmadjid Tebboune a salué la nouvelle « relation de confiance » entre l’Algérie et la France et son « amitié réciproque » personnelle avec Emmanuel Macron, nouveau signe du réchauffement de relations bilatérales souvent tumultueuses. Dans un entretien au quotidien Le Figaro publié vendredi 30 décembre, le président algérien a appelé de ses vœux une « nouvelle ère » avec la France, six mois après la visite à Alger de son homologue français. Et annoncé à son tour une visite d’Etat en France en 2023.
« Nous avons une certaine complicité » avec le chef de l’Etat français, a estimé M. Tebboune : « Je vois en lui l’incarnation d’une nouvelle génération qui peut sauver les relations entre nos deux pays. Nous avons une amitié réciproque. Certes, nous avons eu, lui comme moi, des formules malheureuses, mais c’est la première fois, me semble-t-il, qu’il y a une telle relation de confiance entre nos deux pays. »
Paris et Alger avaient retrouvé le chemin d’un réchauffement de leurs relations à l’occasion d’un déplacement du président Macron en Algérie, en août. Les deux chefs d’Etat avaient relancé leur coopération dans une déclaration commune signée en grande pompe, ouvrant la voie notamment à un assouplissement du régime de visas accordés à l’Algérie, en échange d’une coopération accrue d’Alger dans la lutte contre l’immigration illégale.
La question a empoisonné la relation bilatérale après que Paris a divisé par deux le nombre de visas octroyés à l’Algérie, jugée pas assez prompte à réadmettre ses ressortissants expulsés de France. Mais le dossier a été réglé il y a quinze jours lorsque la France a annoncé, par l’intermédiaire de son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, un retour à la normale de l’octroi de visas aux ressortissants algériens, après ceux de Tunisie fin août et du Maroc.
En octobre, c’est la première ministre française, Elisabeth Borne, accompagnée d’une quinzaine de ministres, qui s’était rendue à Alger pour sceller cette réconciliation autour de projets économiques et d’un « partenariat renouvelé ».
La question mémorielle autour de la colonisation française (1830-1962) et la sanglante guerre de libération avaient provoqué une grave brouille entre les deux pays à l’automne 2021, après des propos de M. Macron sur lesquels il avait ensuite fait amende honorable. « La France doit se libérer de son complexe de colonisateur et l’Algérie de son complexe de colonisé », a relevé à cet égard le chef de l’Etat algérien, jugeant son pays « victime de préjugés tenaces, qui relèvent plus de l’ignorance que de la malveillance ».
Wagner, de l’argent mal « placé »
Dans cet entretien au Figaro, M. Tebboune s’est également exprimé sur la situation au Mali, théâtre de deux coups d’Etat militaires en août 2020 et en mai 2021. Quoiqu’elle ne l’ait jamais admis, la junte au pouvoir à Bamako a fait appel aux mercenaires du groupe russe Wagner tout en poussant au départ la force militaire française « Barkhane », après neuf ans de lutte antidjihadiste. Pour le président algérien, « l’argent que coûte cette présence [de Wagner] serait mieux placé et plus utile s’il allait dans le développement au Sahel ».
« Le terrorisme n’est pas ce qui me préoccupe le plus, nous pouvons le vaincre, a-t-il affirmé. Je suis beaucoup plus inquiet pour le fait que le Sahel s’enfonce dans la misère. Là-bas, la solution est à 80 % économique et à 20 % sécuritaire ».
Les tensions politiques au Mali vont de pair avec une grave crise sécuritaire en cours depuis le déclenchement, en 2012, d’insurrections indépendantiste et djihadiste dans le nord du pays. La quasi-totalité des groupes armés maliens signataires de l’accord de paix dit d’Alger, en 2015, dont l’ex-rébellion touareg de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ont suspendu la semaine dernière leur participation, arguant de « l’absence persistante de volonté politique » de la junte de Bamako de le maintenir.
L’ex-rébellion avait cessé ses combats avec cet accord de paix. Les djihadistes continuent, eux, de combattre l’armée malienne et leurs violences se sont propagées au centre du Mali, ainsi qu’au Burkina Faso et au Niger voisins. Les combattants liés au groupe Etat islamique et à Al-Qaïda poursuivent même leur progression vers le golfe de Guinée.
« Le règlement de la situation sur place passe évidemment par l’Algérie. Si on nous avait aidés dans l’application de l’accord d’Alger, en 2015, pour la pacification de cette zone, on n’en serait pas là », a martelé M. Tebboune, reprenant une constante de la diplomatie algérienne. « Pour ramener la paix, il faut intégrer les gens du nord du Mali dans les institutions » maliennes.